62.

Je n’avais pu passer qu’une petite semaine avec Will en Australie. Barry m’implorait d’achever le prochain album et j’avais accepté de me remettre à l’ouvrage.

Lorsque ma voiture s’arrêta devant le 1311 Broadway, je me souvins d’un fameux matin d’hiver, en pleine tempête de neige, un certain nombre d’années plus tôt. « Regarde le chemin parcouru, me disais-je en souriant. Te voilà vedette de la chanson, heureuse en mariage, parfois au bord de l’overdose de sexe. Pas trop mal, non. Et elle est bien loin, maintenant, la petite Maggie angoissée, complexée, venue trouver Barry pour qu’il lui trouve n’importe quel boulot… »

Ce jour-là, Barry surgit de son bureau pour m’accueillir et c’est lui qui m’apporta le café.

— Viens, on va faire un petit tour au studio. Je t’ai concocté plusieurs arrangements pour Juste Some Songs et j’ai hâte que tu les écoutes.

— Barry, j’ai deux nouveaux morceaux, made in Australia.

— Les arrangements d’abord, tes bandes ensuite. Tu m’as l’air en pleine forme, Maggie. Toujours aussi rayonnante. Visiblement, ce mariage t’a réussi.

— Je suis heureuse, Barry. Réellement heureuse.

Jamais, bien sûr, Barry n’aurait admis s’être trompé au sujet de Will.

Une fois dans le studio, nous nous remîmes à l’œuvre comme d’habitude. Rien n’avait changé. Nous adorions notre travail et nous adorions travailler ensemble. Et nous avions un défi à relever : nous efforcer que chaque disque (et chaque morceau) soit différent et meilleur que le précédent. Certes, nous ne réussissions pas chaque fois, mais nous ne ménagions pas nos efforts.

La journée se déroula très bien. Les arrangements de Barry me plaisaient (c’était presque toujours le cas, même si je me montrais bien plus difficile qu’au début) et, de mes deux morceaux, Barry aimait beaucoup le premier et un peu le second. L’album s’annonçait bien.

Nous nous arrêtâmes en début d’après-midi et je décidai d’aller faire les magasins, histoire d’évacuer un peu la pression. Je l’avais bien mérité, après tout. Ensuite, je rentrerais profiter des enfants. Ce soir-là, c’était moi qui cuisinais. Et ensuite, une cassette de Forrest Gump. Nous ne l’avions vu que six fois. Peut-être allais-je préparer des crevettes, ça ferait rire Jennie.

Je dégotai une petite bricole que je cherchais chez Bergdorf Goodman et ressortis vers 15 h 30. Un flot de taxis et de bus s’écoulait lentement dans la Cinquième Avenue et les trottoirs étaient noirs de monde. Je ne voyais ni la voiture, ni le chauffeur.

Alors les ennuis ont commencé.

Je vis une caméra de télévision émerger de la foule comme un périscope de sous-marin et deux jeunes singes barbus de Fox News qui se faufilaient jusqu’à moi. Des brutes épaisses, avec de bien sales gueules.

— Maggie ! Maggie Bradford ! m’interpella l’un d’eux.

Instinctivement, je m’éloignai en cherchant désespérément ma voiture du regard.

— Maggie ! Par ici, Maggie ! Est-il vrai que vous et Will avez eu des problèmes en Australie ? Est-ce pour cela que vous êtes rentrée ?

J’entendais tourner une caméra. Les passants s’arrêtaient pour nous regarder. « Ah, ces équipes de télé, quel cauchemar ! Occupez-vous donc de vos fesses, je m’occupe des miennes. »

— Non.

Je pouvais difficilement faire plus court.

— On raconte qu’il s’est établi une grande complicité entre Suzanne Purcell et lui. Vous êtes au courant ?

Mon estomac se serra.

— Non.

Will et moi savions que des rumeurs sur Suzanne et lui finiraient immanquablement par circuler. S’il n’y en avait pas eu, la production se serait probablement chargée de les alimenter.

— Alors vous n’avez pas vu la photo ?

— Non. Je n’ai pas de commentaires. Merci pour les ragots.

Je ne parvenais pas à fendre la foule et à semer cette bande de vautours. Où diable était passée cette voiture ?

— La photo, Maggie, relança un nain teigneux et chauve de Channel Five en me brandissant un micro sous le nez.

Elle est dans toute la presse. Will et Suzanne Purcell dans un moment très intime. Vous ne l’avez pas vue ?

Je l’écartai de mon chemin en le repoussant sur son cameraman et, quand j’aperçus enfin la voiture, je filai me réfugier à l’intérieur.

Ce n’est qu’au moment où je vis défiler les sapins, à quelques kilomètres de la maison, que je commençai à me décontracter. Ces salauds avaient un de ces culots ! Ce n’était pas la première fois que je m’accrochais avec un journaliste. Il y avait déjà eu des incidents à Rome et à Los Angeles. Et le droit à la vie privée ? Pour qui se prenaient-ils, ces morveux ?

Si seulement Will était de retour ! J’aurais tant aimé l’avoir là, à mes côtés, dans cette voiture…

« Laisse tomber le cinéma, Will. On n’a qu’à disparaître et redevenir anonymes jusqu’à la fin de nos jours. »

Cette photo de Will et Suzanne pouvait-elle être vraie ?

Non, je refusais d’y croire. J’avais le sentiment de bien connaître Will désormais, et ce cliché ne pouvait être qu’un montage. Ce n’était pas la première fois que les paparazzi nous pourrissaient la vie, et ce ne serait pas la dernière.

Dans la voiture, j’avais réussi à chasser les soupçons de mon esprit mais ce soir-là, quand j’allai me coucher, je mis des heures à m’endormir.

Will et Suzanne Purcell.

Non !

Maudits paparazzi.

LA DIABOLIQUEpourepub
titlepage.xhtml
LA DIABOLIQUEpourepub_split_000.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_001.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_002.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_003.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_004.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_005.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_006.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_007.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_008.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_009.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_010.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_011.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_012.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_013.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_014.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_015.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_016.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_017.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_018.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_019.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_020.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_021.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_022.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_023.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_024.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_025.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_026.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_027.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_028.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_029.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_030.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_031.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_032.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_033.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_034.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_035.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_036.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_037.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_038.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_039.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_040.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_041.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_042.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_043.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_044.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_045.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_046.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_047.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_048.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_049.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_050.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_051.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_052.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_053.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_054.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_055.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_056.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_057.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_058.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_059.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_060.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_061.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_062.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_063.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_064.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_065.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_066.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_067.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_068.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_069.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_070.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_071.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_072.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_073.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_074.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_075.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_076.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_077.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_078.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_079.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_080.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_081.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_082.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_083.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_084.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_085.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_086.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_087.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_088.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_089.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_090.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_091.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_092.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_093.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_094.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_095.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_096.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_097.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_098.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_099.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_100.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_101.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_102.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_103.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_104.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_105.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_106.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_107.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_108.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_109.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_110.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_111.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_112.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_113.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_114.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_115.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_116.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_117.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_118.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_119.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_120.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_121.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_122.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_123.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_124.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_125.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_126.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_127.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_128.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_129.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_130.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_131.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_132.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_133.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_134.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_135.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_136.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_137.htm
LA DIABOLIQUEpourepub_split_138.htm